
GENÈSE DE LA CRÉATION DE LA BOAD
Deux principales idées ont inspiré la création, par approches successives, de la BOAD : (1) la constatation que les avantages tirés par les Etats de leur appartenance à l’Union monétaire restaient limités au domaine monétaire, sans se traduire suffisamment sur le développement et (2) le fait que, sans préjudice d’autres ressources qui seraient nécessaires, les bénéfices d’exploitation de la BCEAO pourraient constituer des moyens non négligeables pour financer des actions communes de développement.
Une étude présentée en décembre 1970 au Conseil des Ministres de l’UMOA, à sa demande, constatait que l’idée d’affecter une partie des bénéfices nets de la BCEAO à des actions d’intérêt commun répondait à deux préoccupations souvent exprimées par les Etats : (1) donner à l’Union monétaire une consistance dépassant le simple cadre monétaire pour développer une zone d’intérêts économiques et de développement communs, (2) faire des institutions de l’Union des instruments de promotion sans que la Banque centrale sorte de ses responsabilités monétaires.
A la même époque, une étude réalisée par le Pr Tremblay, Directeur du Centre de Recherche en Développement Economique de l’Université de Montréal, à la demande du Président de la République du Niger, concluait que les institutions de l’UMOA étaient axées de façon trop prioritaire sur la gestion monétaire et le maintien des réserves extérieures, et qu’il convenait de les infléchir vers la contribution à un effort de développement.
Diverses formes d’intervention envisageables étaient énumérées :
- contribuer à la création et au fonctionnement d’un marché financier ouest-africain, le fonds spécial à créer se voyant confier, au-dessus du système bancaire, le soin d’absorber directement ou indirectement les offres et de servir éventuellement les demandes de titres publics ;
- décharger certaines banques de développement du financement d’opérations à terme immobilisant une part de leurs ressources, tels que les marchés à paiements différés ;
- créer un fonds ou un établissement de crédit à long terme de l’Union qui pourrait pallier l’insuffisance des ressources disponibles pour financer des projets régionaux ou d’intérêt général à l’Union ;
- contribuer à la constitution d’une ou de plusieurs Sicav ouest-africaines qui mobiliseraient l’épargne domestique pour prendre des participations dans des sociétés africaines afin d’en faciliter la création ou le développement ;
- créer une banque d’expansion industrielle pour les Etats de l’Afrique de l’Ouest qui fonctionnerait auprès de la BCEAO et avec sa participation active pour lui permettre d’assurer la conciliation des préoccupations de gestion monétaire et celles de développement.
D’autres interventions possibles étaient également évoquées : bonification d’intérêts, garantie des emprunts intérieurs, réassurance des fonds de garantie de crédits aux petites et moyennes entreprises africaines.
Au cours de la réunion du Conseil des Ministres de mars 1973, fut présenté par le Président du Comité des Ministres chargé de la réforme de l’UMOA, l’avant-projet du nouveau Traité de l’Union Monétaire Ouest Africaine, qui prévoyait aux côtés de la BCEAO la création d’institutions communes de financement du développement, placées comme elle sous l’autorité du Conseil des Ministres de l’Union. Le président du Comité présenta également le projet d’Accord créant une Banque Ouest Africaine de Développement et un projet de statuts concernant la constitution et le fonctionnement de cet établissement.
Le Conseil des Ministres prit la décision que les actions de développement seraient menées par un organisme distinct de la Banque Centrale, mais qui serait étroitement lié à celle-ci. Il se prononça par ailleurs sur l’option longtemps débattue entre la création d’une banque d’affaires se consacrant à la promotion d’opérations de haute rentabilité, susceptibles d’être financées aux conditions normales de marché, et la création d’une banque de développement, plus spécialement orientée vers le financement d’infrastructures ou d’opérations de longue durée et de faible rentabilité.
Le Conseil des Ministres décida de se rallier, en première étape, à la seconde formule et de constituer une banque de développement susceptible d’intervenir, au besoin avec une filiale, dans le domaine de la banque d’affaires.
Les études détaillées de modalités de mise en œuvre de ces décisions furent conduites par la Banque Centrale avec l’appui des partenaires au développement (Banque Mondiale, Commission Européenne, …). L’ensemble des textes régissant la Banque furent adoptés par les Chefs d’Etat de l’UMOA le 14 novembre 1973 à Dakar, en même temps que les nouveaux statuts de la Banque Centrale et le nouveau Traité constituant l’Union Monétaire.
MISSIONS INITIALES DE LA BOAD
Les objectifs de la BOAD, son champ d’application et ses priorités d’intervention, définis par ses statuts et la Déclaration de Politique générale mettent en œuvre une idée centrale qui est celle de la solidarité.
Il a été assigné comme objectifs à la BOAD de promouvoir le développement équilibré des Etats membres et de réaliser l’intégration économique de l’Afrique de l’Ouest. Les statuts précisent que dans le choix des actions auxquelles elle portera concours, une considération particulière devra être donnée à celles susceptibles (1) de faciliter le développement des Etats membres de l’Union les plus défavorisés par les conditions naturelles, et (2) de concourir à l’intégration des économies des Etats de l’Union. La collecte des disponibilités intérieures aux fins du financement des actions de développement, l’animation du marché régional des capitaux ainsi que le drainage des ressources extérieures vers la zone furent aussi des missions essentielles assignées à la Banque.
Conçue comme une banque pour promouvoir l’intégration et la solidarité régionale, la BOAD finance (1) la construction ou l’amélioration d’infrastructures nécessaires au développement, notamment en matière de communication, d’équipements hydrauliques, d’électricité, … (2) l’amélioration, la création ou le transfert de propriété des moyens de production et de distribution dans les secteurs rural et industriel, (3) les études de préparation de projets.
La BOAD intervient directement ou par l’intermédiaire de filiales, de fonds spéciaux constitués par elle ou d’institutions financières nationales. Ses interventions peuvent revêtir les formes suivantes : prise de participation, prêt à long et moyen termes, aval et bonification d’intérêts. Les Etats membres, les collectivités et établissements publics, les institutions financières, les organismes, entreprises et particuliers peuvent bénéficier de ses financements.
Pour accroître l’efficacité de ses interventions, moduler son action et l’adapter au mieux, des fonds spéciaux ont été créés en son sein : fonds de bonification, fonds de garantie des avals et des rachats, fonds d’études.
LE RÔLE DE LA BOAD DANS L’UEMOA
La transformation de l’Union monétaire en une Union économique et monétaire, intervenue en 1994, traduit la volonté des Etats membres d’étendre au domaine économique, la solidarité qui les lie sur le plan monétaire et d’utiliser le socle monétaire pour accélérer l’intégration régionale. Elle est l’expression manifeste de la conscience qu’ils ont des avantages mutuels tirés de leur appartenance à l’Union monétaire ainsi que de la nécessité de préserver et de renforcer la cohésion de celle-ci.
Les objectifs de l’UEMOA (article 4 du Traité) consistent à :
- renforcer la compétitivité des activités économiques et financières des Etats membres dans le cadre d’un marché ouvert et concurrentiel et d’un environnement juridique rationalisé et harmonisé ;
- assurer la convergence des politiques économiques des Etats membres par l’institution d’une procédure de surveillance multilatérale ;
- créer entre les Etats membres un marché commun basé sur la libre circulation des personnes, des biens, des services, des capitaux et le droit d’établissement des personnes exerçant une activité indépendante ou salariée, ainsi qu’un tarif extérieur commun et une politique commerciale commune ;
- instituer une coordination des politiques sectorielles nationales, par la mise en œuvre d’actions communes et éventuellement de politiques communes, notamment dans les domaines suivants : ressources humaines, aménagement du territoire, transports et télécommunications, environnement, agriculture, énergie, industrie et mines ;
- harmoniser, dans la mesure nécessaire au bon fonctionnement du marché commun, les législations des Etats membres et particulièrement le régime de la fiscalité.
La BOAD est considérée comme une pièce essentielle de l’UEMOA dont la mission reste d’actualité, à savoir, être l’organisme commun chargé du financement d’actions prioritaires de développement et d’intégration économique. C’est ainsi qu’elle est devenue une institution spécialisée autonome de l’UEMOA qui, sans préjudice des objectifs qui lui sont assignés par le Traité de l’UMOA, concourt aux objectifs de l’Union Economique et Monétaire (article 41 du Traité de l’UEMOA).